9/2.
Après la visite du Taj Mahal et un petit-déjeuner bien mérité, on a repris la route immédiatement vers Dehli. Il n’y a que 200 km entre Agra et la capitale indienne et on pensait arriver dans le milieu de l’après-midi afin de voir 1 ou 2 monuments à proximité de notre hôtel. Après 3 semaines dans le pays de Gandhi, on a déjà appris que les distances ne veulent rien dire et qu’il vaut mieux parler en heures de route mais là, ces 200 bornes nous ont paru interminables puisqu’on a totalisé……… 6 heures avant d’arriver enfin à notre hôtel !! J’ignore si c’est l’énervement de la veille à chercher un hébergement ou la déception d’avoir eu un temps maussade pour visiter le Taj Mahal mais ce jour-là nous n’avions plus beaucoup de patience.

La pseudo-autoroute reliant les 2 villes est dans un état lamentable sur certains tronçons ce qui rend furieux notre chauffeur qui voit les péages augmenter chaque année ! La traversée de chaque ville occasionne un bouchon monstre où la normale 2×2 voies se transforme en 2×5 avec des motos, des rickshaws et des bus qui doublent de tous les côtés. On l’avait déjà constaté aux guichets d’entrée des monuments mais là, on en a la certitude : l’Indien ne sait pas faire une file !! C’est tellement mieux de se présenter à 5 de front plutôt que de passer chacun son tour… En plus, on est samedi et on a quasiment passé 1h30 dans les embouteillages pour rentrer dans Dehli avec des mendiants à chaque feu qui frappent à la vitre et c’est d’autant plus dur quand ce sont des enfants handicapés ou avec des déformations congénitales… Si on ajoute la piètre qualité de l’hôtellerie d’Agra (et on parle en connaissance de cause !), on comprend facilement pourquoi certaines agences conseillent de faire l’aller/retour en train dans la même journée (2h par trajet) !
Bref après 3 semaines, ça y est, on est arrivé au même sentiment de saturation qu’en Chine !! Dans la circulation cauchemardesque, je ne cesse de penser à notre prochaine destination, l’Afrique du Sud, où mes parents viendront nous rejoindre et où l’on retrouvera un pays plus “occidentalisé“. Dans mes lectures de blogs de voyageurs, je constate que beaucoup ont eu exactement le même sentiment que nous. La misère, la saleté, le manque de savoir-vivre et le bordel général dépaysent au premier abord et on y était doucement préparé avec certains des pays précédents. Mais au bout d’un moment, c’est trop !!! Certains craquent et s’enferment dans leur hôtel ou rentrent carrément chez eux ; nous, il ne nous reste qu’un jour à passer avant de rejoindre l’aéroport…
En arrivant à l’hôtel, les choses ne sont pas arrangées car une fois de plus les photos sur Booking étaient un peu bidonnées ou du moins prises sous le meilleur angle de la plus belle des chambres mais qui était loin d’être la nôtre ! Après la nuit douteuse passée à Agra, je me réjouissais de retrouver un hôtel propre, moderne et avec une connexion wifi potable. On repassera pour tout ça car en découvrant l’état de la salle de bain, on a demandé à changer de chambre et pour le wifi, il valait mieux squatter la réception sous peine d’attendre 5 minutes l’affichage de la page d’accueil de FB ! En réservant, Adèle se réjouissait de dîner sur le rooftop mais elle a vite déchanté en voyant l’état des tables, des cuisines et l’ivrogne qui chantait au coin de la terrasse… sans parler de la fraîcheur de Dehli le soir qui aurait vite fait de refroidir notre poulet tikka et nos naans au fromage ! Désabusés et pour la première fois depuis notre arrivée en Inde, nous craquerons pour de la junk food en nous réfugiant au Subway, situé 300m plus loin…
La journée suivante allait être TRES longue puisque notre fidèle chauffeur allait nous balader dans la capitale de 10h du matin jusqu’au soir 22h pour nous lâcher à l’aéroport et attendre notre vol……… à 2h20… enfin, 3h10 car il a eu finalement un peu de retard !!!
On commence par le Fort Rouge construit par Shah Jahan(le même que le Taj Mahal !!) en 1638. L’empereur voulait transférer la capitale d’Agra à Old Dehli(Shahjahanabad) mais c’était sans compter son indélicat rejeton qui l’enferma avant de s’emparer du trône. On pénètre par l’imposante porte principale (Lahore Gate) avant de passer dans l’original bazar couvert à 2 étages (Chatta Chowk) où se retrouvaient à l’époque des marchands de tous les horizons qui venaient vendre soie, or et pierres précieuses aux notables et à  la cour impériale.
Au bout de l’allée, on tombe sur la maison des tambours (Naubat Khana), une large bâtisse en pierre rouge où les meilleurs artistes du pays accueillaient le retour de l’empereur. Comme tous les palais, on retrouve les salles des audiences publiques et privées dans un style résolument similaire à ce qu’on a déjà pu voir au fort d’Agra. On y retrouve la “patte“ de Shah Jahan notamment dans le Diwan-i-Am (public) en pierre rouge avec uniquement l’alcôve où il siégeait réalisée en marbre blanc et incrustée de pierres semi-précieuses dessinant des motifs floraux. Le Diwan-i-Khas (privé) est quant à lui entièrement en marbre blanc finement ciselé et également incrusté de pierres, dans un style qu’on retrouvera facilement sur les façades du Taj Mahal.
A côté, on peut observer d’autres pavillons comme le Khas Mahal (appartement privé) ou le Rang Mahal (Palace of Colour) qui tient son nom des murs intérieurs qui étaient peints de couleurs vives mais qui depuis ont entièrement disparues. D’ailleurs tout le site est dans un état de conservation très moyen et on se demande comment les autorités ont pu gâcher un tel patrimoine ! Il y a bien quelques échafaudages qui prouvent l’existence de rénovation en-cours mais le mal est fait et le travail va être très long… 
Après Moti Masjid la mosquée construite par Aurangzeb orientée vers la Mecque, on déambula dans les jardins verdoyants jusqu’au Hammams Royaux. Dans le parc, le gazon a remplacé les plantes exotiques et les arbustes taillés au cordeau au milieu duquel il y a encore quelques pavillons utilisés à l’époque pour les divertissements de la cour.
Durant la présence des britanniques, le fort était le quartier général des forces militaires et c’est pour cette raison qu’on y retrouve des casemates en brique beaucoup plus modernes qui tranchent sévèrement avec le style du lieu.
A la sortie du fort, on ne peut s’empêcher de remarquer les dômes rouges du temple jaïn Digambaradatant du 16ème siècle et qui marque le début de Chandni Chowk, une artère totalement embouteillée dans laquelle on a eu le malheur de s’aventurer pour trouver où déjeuner ! Tous les 10m, il fallait repousser un marchand, un mendiant ou un chauffeur de rickshaw qui nous proposait ses services pour faire le tour de la vieille ville. Vu notre “agacement cumulé“ des derniers jours, je sentais Adèle prête à exploser et je voyais bien un pauvre bougre prendre pour tous les autres !!! Dans la même rue, après avoir passé devant le temple sikh Sisganj Gurdwara, on a fini par atterrir chez Haldiram’s, une épicerie fine renommée dans laquelle on a fait notre petit marché. A l’entrée, 2 gardes équipés de grand bâton assurent la sécurité et s’occupent de repousser les mendiants qui ont élu domicile sur le trottoir et qui voudraient récupérer les restes dans les poubelles……… vive l’ambiance !!
Après avoir goûté quelques spécialités locales, on s’engage dans les ruelles étroites du quartier pour rejoindre la plus grande mosquée d’Inde construite également par Shah Jahan en 1644, Jama Masjid. Il était tout juste 13h et en arrivant sur place, on apprend que l’entrée est interdite aux non-musulmans jusqu’à 14h. Tant pis pour cette gigantesque mosquée qui peut contenir jusqu’à 25000 personnes, il est hors de question d’attendre 1h sous ce soleil de plomb, car autant les nuits sont fraîches, autant les journées sont caniculaires ! Et comme disait Chirac : « tu y ajoutes le bruit et l’odeur » et vous comprendrez qu’il ne suffit pas de s’installer tranquillement à une terrasse ombragée d’un café équipé en brumisateurs pour passer le temps !!!
En revenant vers le parking où nous attendait Gulati, on passe par Meena Bazar où semble fourmiller des centaines de personnes en ce jour de repos dominical. On a un peu le tournis et on se fait largement bousculer ou marcher sur les pieds mais curieusement les marchands ne cherchent pas vraiment à nous vendre quoi que ce soit et préfèrent concentrer leurs efforts sur les clients locaux ! Un gars a même refusé de nous vendre 4 bananes sous prétexte qu’il fallait prendre le régime entier !!
Plus au sud, sur les rives de la rivière Jamuna, on a visité Raj Ghat, le mémorial où Gandhi a été incinéré après son assassinat en 1948. Dans une grande cour carrée à ciel ouvert, un simple bloc de marbre noir à peine fleuri marque le lieu quasi sacré où se déchaussent touristes et “pèlerins“. Dans le même parc, il y a des monuments similaires pour Nehru, le 1er premier ministre indien incinéré en 1964 ainsi que pour sa fille Indira Gandhi (aucun lien avec Mahatma) assassinée en 1984.
On poursuit notre découverte des trésors de Dehli avec le Tombeau d’Humayun, 2èmeempereur moghol et père d’Akbar le Grand. Même si le style est différent, les néophytes que nous sommes avons l’impression de nous retrouver devant le Taj Mahal……… mais en rouge !! Sauf que l’histoire est inversée et cette fois c’est la veuve, Haji Begum, qui ordonna la construction du mausolée en mémoire de son empereur de mari vers le milieu du 16ème siècle.
L’endroit est d’ailleurs tout aussi visité et nous donne une nouvelle occasion de pester contre les Indiens qui grattent tous les débiles (comme nous) qui font la file en s’agglutinant au comptoir de la billetterie. Encore une fois, je sens Adèle au taquet ! Y en a un qui va prendre pour les autres…


On visite le monument au pas de course car Gulati ne nous a laissé que 45 minutes si on veut encore avoir suffisamment de temps pour voir le National Gandhi Museum avant la fermeture. Finalement, totalement envoûté par la beauté du site, on déborde sur l’horaire et c’est tant mieux car on ne se sentait pas le courage d’arpenter un musée… surtout que la journée n’est pas finie !

On poursuit dans le New Dehli et notre chauffeur nous dépose à l’India Gate, dont les parterres sont envahis de monde en ce dimanche. Comme au bazar le matin, on a un peu le tournis avec une telle foule sauf que là, on nous fait un peu plus ch… à nous refourguer des merdouilles ou nous encourager à effectuer une donation pour un organisme à l’existence aléatoire ou une école dans le besoin ! Tu repousses 1 ou 2 fois, tu vides tes poches des quelques piécettes à la troisième et à la quatrième tu envoies allègrement bouler le quémandeur. On réussit à faire le tour de la place mais perdant patience, on rebrousse chemin. Y en a un qui va prendre pour les autres…

Cet “arc de triomphe indien“ de 42m de haut a été construit en mémoire des 90000 soldats morts durant la première guerre mondiale (et le 3èmeconflit afghan) dont les noms sont gravés dans la pierre.
A l’autre bout de l’avenue Rajpath, légèrement en hauteur sur Raisana Hill, se trouvent les 2 imposants bâtiments du gouvernement disposés en total symétrie de chaque côté de la chaussée et qui regroupent tous les ministères. Au fond de l’impasse, derrière des grilles bien gardées, on découvre Rashtrapati Bhavan, un palais de 340 chambres construit en 1929, actuelle résidence officielle du président indien. Même dans ce quartier ultra sécurisé et propre de la nouvelle ville, les singes courent sur les parkings et les bâtiments sous le regard amusé des touristes.
On part ensuite pour Connaught Place, un gigantesque sens giratoire cerclé par des blocs de bâtiments à colonnades blancs tous identiques regroupant magasins, restaurants et banques. Adèle en profite pour faire un peu de shopping et on s’offre un apéro largement mérité. Puis retour à la case départ puisque Gulati nous ramène à Old Dehli et au Fort Rouge pour un spectacle sons et lumières dans les jardins devant les pavillons visités le matin même. Le show devait durer 1h mais la leçon d’histoire un peu barbante en anglais, manquant cruellement de rythme de surcroît, a vite fait de nous endormir ! Les éclairages et la sono n’étaient vraiment pas terribles et on était loin du spectacle estivale d’Aquatic Show sur le bassin de Rivétoile ! A 1 € l’entrée, on ne va pas faire la fine bouche mais le froid nous décourage définitivement de rester et on s’enfuit comme des voleurs à 20 min de la fin !
Il s’en suit un grand moment de solitude, d’abord pour traverser tout le fort absolument désert et qui contraste totalement avec la foule croisée le matin. Tous les magasins du bazar couvert ont tiré leur rideau et on est absolument seul au milieu de ces vieux murs. Même la sécurité à l’entrée a plié bagage !! Cette solitude va s’accroître davantage une fois dehors, lorsqu’il faut encore longer les remparts pendant 500m jusqu’au parking dans une obscurité quasi totale où chaque ombre est analysée comme une éventuelle menace. On a réussi à passer 3 semaines en Inde sans se faire détrousser et ce n’est quand même pas le dernier soir qu’un scélérat va nous délester de nos dernières roupies ? Tout d’un coup, on entend un bruit derrière nous et une ombre se déplace plus rapidement que quelqu’un qui marcherait normalement. Adèle presse le pas et dans ma tête je repense au soir où l’on est arrivé à Datong et qu’on a traversé “en stress“ dans le noir complet des terrains vagues et des chantiers de bicoques en démolition. Finalement, un homme passa sur son vélo aussi étonné de notre présence que nous de la sienne… On est content d’atteindre le parking où nous attendait le chauffeur mais 50m avant, on se fait encore accoster pour nous proposer taxi et rickshaw. Une fois dans la voiture, on conseille à Gulati d’attendre ses futurs clients devant l’entrée du fort, leur évitant quelques angoisses ! Allez, on oublie, en route pour l’aéroport…
L’Inde c’est comme la Chine, 3 semaines suffisent ! Les Indiens souffrent du même manque de savoir vivre que les Chinois en crachant, éructant, parlant fort et refusant obstinément toute sorte d’organisation aussi basique qu’une file d’attente à un guichet. Sur la route et en-dehors de Dehli, c’est encore pire : le marquage au sol, les stops, les feux tricolores et les sens de circulation ne semblent constituer qu’un simple élément de décoration urbaine ! Et je ne parle pas de l’utilisation des poubelles car déjà très jeunes, les écoliers ont pris pour habitude de balancer par la fenêtre du car scolaire, les emballages de leur goûter.

L’Inde possède des trésors architecturaux inestimables laissés par les différents occupants qu’ils soient moghols, portugais ou britanniques, sans parler des somptueux palaces des Rajputs. Il faut “juste“ faire abstraction de la misère, du bruit, de la saleté et du capharnaüm permanent ! Même endurcis par la pauvreté vue à Manille, par les montagnes de détritus vues au Cambodge, l’Inde reste un pays difficile à “accepter“ pour nos yeux d’occidentaux. On tient quelque temps face à l’indifférence de la population qui vit dans des conditions épouvantables mais arrive un moment où c’est trop. C’est pour cette raison qu’on a choisi de ne pas aller à Bombay ou encore Calcutta. On ne peut pas affirmer que visiter l’Inde soit vraiment des vacances à moins de voyager avec un guide individuel permanent, derrière les vitres fumées d’un van grand confort et en descendant dans les hôtels 5* ! Mais à notre niveau de budget, on est davantage en contact avec la population. C’est ce qu’on voulait dans notre voyage mais là, le gap est vraiment énorme et pourtant en 4 mois, nous sommes déjà devenus beaucoup plus “roots“ ! Avant de partir, une amie me prédisait qu’après l’Inde, nous ne serons plus tout à fait les mêmes. Elle avait raison…