C’est une maison bleue
Ranakpur, Jodhpur, 2-3/2.
Sur la route vers Jodhpur, on a fait quelques sympathiques rencontres : des dromadaires qui trouvaient sûrement plus rapide d’emprunter la 4 voies pour se rendre à la ville suivante ; des singes au regard méchant, des femmes revenant des champs avec leur botte de foin sur la tête et enfin, Adèle a fait fonctionner l’irrigation d’un village au moyen de buffles aux cornes bleues et rouges !
A environ 90 km au nord d’Udaipur on a effectué une halte au Temple de Ranakpur (1439). En près de 4 mois, on a déjà vu un paquet de temples mais celui-ci rentre facilement dans le top 5. Qu’est-ce que c’est beau !!! Ce temple jaïn dédié principalement à Adinath est entièrement construit en marbre blanc. Il comporte 29 halls et pas moins de 1444 piliers sculptés, tous différents, soutiennent les lourds dômes aux plafonds finement ciselés. On subit une “agression visuelle“ de beauté et on ne sait où regarder. Dommage que le site soit très fréquenté et qu’un car de retraités français viennent perturber la sérénité du lieu, avec des bavardages incessants malgré les consignes de silence ! Comme d’habitude, les chinois et les russes prennent 20 photos de leur copine posant devant chaque pilier………… multipliez par 1444 et vous comprendrez que ça en fait de la photo et autant de difficultés pour moi de faire un cliché correct sans un quidam devant !! Dès que j’ai un taf, je fais une donation d’1 million de roupies et je privatise le temple pendant 2h, équipé d’un grand-angle cette fois !!!
Sur le chemin vers Jodhpur, on s’arrêta à un curieux “autel“ improvisé sur le lieu où Om Banna a trouvé la mort à moto en percutant un arbre en 1988. Selon la légende, suite à l’accident la moto, une Royal Enfield Bullet 350cc, a été saisie par la police et ramenée au poste le plus proche. Mais le lendemain matin, la moto était à nouveau sur le lieu du drame. Les policiers l’ont ramenés une nouvelle fois en l’enchaînant et la cadenassant à la fourrière mais le matin suivant, elle était à nouveau à l’endroit de l’accident. Toujours selon la légende et quoi que fasse la police, même en vidant son réservoir, Bullet Babaretournera toujours auprès de l’arbre qui ôta la vie à son pilote…
Depuis, la Royal Enfield est conservée dans une vitrine et les Indiens, essentiellement des routiers et des motards, entourent les arbres avec des étoffes, y accrochent des bracelets et prient les dieux pour les protéger des accidents sur les routes. Et vu la dangerosité des routes et la difficulté d’y circuler, une prière est plus que bienvenue. A côté de celles du Rajasthan, les routes du Kerala qu’on a emprunté la semaine passée font figure d’autoroutes confortables. C’est réellement hallucinant, outre les animaux (vache, buffle, sanglier, antilope, chien, singe, etc.) susceptibles de traverser la route à tout moment, l’état des routes est abominable ! Souvent le macadam disparaît entièrement, des nids de “poules géantes“ sont formés et même sur les rares tronçons de 4 voies, les véhicules circulent à contre sens. Dans les villages, c’est encore pire, la route devient une piste en terre complétement défoncée, les rickshaws font du slalom entre les vaches couchées en plein milieu soulevant toute la poussière. Ajoutez des piétons, quelques vélos, des ordures en train de brûler, des travaux et vous obtiendrez l’enfer sur terre pour l’occidental qui n’a jamais conduit en Asie !
A une quinzaine de km de Jodhpur, on a découvert le village de Ramu, un ami de notre chauffeur. On s’attendait d’abord à un piège à touristes avec un parking bondé d’autobus et en fait, pas du tout. Le propriétaire des lieux nous a présenté sa fille et sa grand-mère avant de nous faire visiter sa modeste demeure. Ramu nous a fait une petite préparation traditionnelle en filtrant de l’eau mélangée à de l’opium qu’il nous a servi dans le creux de sa main (symbole de bienvenue). Pour la photo souvenir il nous a prêté turban, chèche et foulards. On a continué la discussion autour d’un thé masala et voyant qu’on s’intéressait à la cuisine, il nous a servi une gamelle d’une mixture ultra consistante, le chapati à base de millet qu’Adèle a moulu à l’ancienne.
En arrivant le soir dans la ville bleue, notre chauffeur s’arrête sur un parking le long d’un grand boulevard et nous annonce qu’il ne peut pas rentrer dans la vieille ville avec la voiture. Rapidement il nous trouve un rickshaw et nous nous engouffrons à grand coup de klaxon dans les ruelles étroites et sombres de Jodhpur. Sur le toit de la guesthouse familiale occupant une haute bâtisse vieille de 500 ans, on découvre le Fort Mehrangarh majestueusement posé sur son rocher, totalement illuminé. Encore un décor de carte postale…
Le jour suivant, avant de monter jusqu’à l’imprenable forteresse, on a visité Jaswant Thada, un mémorial en marbre blanc dédié au Maharaja Jaswant Singh II construit en 1889 sur une colline et entouré d’un jardin verdoyant. A côté, se trouvent 3 autres petits cénotaphes en marbre qui jouxtent les crématoriums royaux. Outre la beauté du bâtiment, la situation géographique offre une vue dégagée sur la ville et sur le fort, pointé du doigt par le fondateur de Jodhpur sur son cheval.
Une fois arrivés au pied du fort Mehrangarh et après avoir passé la première porte Fatehpol, les remparts semblent encore plus hauts (entre 6 et 36m) et on reste scotché, le nez en l’air en observant la beauté des façades du palais. La porte suivante Lohapol est plus stratégique avec son entrée à angle droit qui empêchait les éléphants de charger pour venir s’écraser contre les pointes en fer de l’immense portail renforcé. De l’autre côté sur le mur gauche sont peintes les empreintes de main des veuves du Maharaja Man Singh qui pleurèrent sa mort en 1843… vu le nombre, cet homme devait être très occupé !!
On accède ensuite aux différents palaces reconvertis en musée dont les façades terracotta sont admirablement sculptées. La première cour nommée Holi Chowk était celle utilisée lors des couronnements, effectués sur un très modeste siège en marbre blanc. La visite se poursuit par une collection de howdah (plateforme pour éléphant), de palanquins et de dessins retraçant les légendes et les batailles du royaume. Dans une alcôve un vieil homme immobile à tel point qu’on aurait pu le prendre pour un mannequin expose les ustensiles pour la consommation d’opium déjà vu chez Ramu dans leur version plus modeste. On traversera moult salles de réception tout aussi fabuleuses les unes que les autres avec leur déco surchargée et ostentatoire dans le plus pur style Rajput. Chaque balcon offre une vue romantique sur la ville bleue qui n’usurpe pas son surnom. A nouveau, l’audio guide disponible en français est très intéressant et ne manque pas d’anecdotes sur cette envoûtante construction.
On finira la visite par une ballade sur les remparts au milieu des canons dont le chemin de ronde mène au Chamunda Devi Temple, un modeste édifice au toit blanc dédié à Durga (déesse de la guerre ou de la paix, selon le point de vue). En scrutant l’horizon, on aperçoit le Umaid Bhawan Palaceconstruit pour le Maharaja Umaid Singhen 1929 nécessitant 3000 hommes pendant 15 ans. A sa mort en 1947, l’énorme palace a été reconvertie à la fois en musée, en hôtel de luxe du Taj Group et seule une partie demeure l’actuelle résidence du maharaja de Jodhpur.
On redescendra à pied jusqu’à la place de la Clock Tower où l’on retrouvera l’animation de son bazar où l’on peut acheter tout et n’importe quoi au milieu de la poussière, des klaxons et des vaches. Plus loin, on empruntera le labyrinthe de ruelles qui mène à notre guesthouse, pour passer une dernière nuit dans notre suite royale !