La ville aux 42 cerros
Valparaíso, 2-7/7.
Quand on arrive à Valparaísopar l’autopista de Casablanca, on débarque dans El Plan, la partie “plane“ de la ville et on ne se rend compte ni de l’étendue de l’agglomération, ni de ses reliefs. C’est en prenant un peu de hauteur pour rejoindre notre guesthouse qu’on découvre des milliers de maisonnettes en briques et tôles colorées littéralement accrochées sur les 42 cerros que compte « Valpo ».
Pour grimper dans ces collines, on emprunte un dédale de ruelles étroites, raides et défoncées qui forment un véritable labyrinthe et défia mon sens de l’orientation à plusieurs reprises !
Quant aux maisons faites d’assemblage improbable de bois et de tôles, on se demande encore comment elles tiennent debout, certaines étant maintenues dans le vide par quelques frêles troncs d’arbre ou autres planches de bois fatiguées !
La meilleure vue de la ville sera celle……… de notre lit, lorsqu’on découvre notre chambre baignée de lumière grâce à la double porte-fenêtre qui occupe toute la largeur, offrant ainsi un panorama stupéfiant dont on ne s’est jamais lassé durant ces 5 nuitées.
On ne recommande que trop la guesthouse Costa Azul à tous les voyageurs qui souhaitent séjourner dans une ambiance simple mais ultra chaleureuse dispensée par les jeunes propriétaires. C’est autour d’une dégustation des vins qu’on a ramenés de nos précédentes étapes qu’on fait la connaissance de Ninaet Luka. Ce jeune couple de 28 et 25 ans, après avoir “un peu“ voyagé, a débarqué il y a 8 mois de sa Slovénie natale avec le projet d’ouvrir un bed & breakfast au Chili et ce sans parler un mot d’espagnol (hormis quelques mots appris grâce aux télénovelas espagnoles qui apparemment passent en boucle dans leur pays !!!)
Après les 4 vins blancs, on attaque les 4 vins rouges (!!!) avec en toile de fond la baie illuminée de Valpoet la discussion continue de plus belle sur les voyages, nos expériences et leur installation incroyable.
Durant ces 4 jours, on parcourt les rues le nez en l’air, appareil photo au poing et on tombe sous le charme de cette ville qui avant nous, a su séduire des pirates, des conquistadors, des poètes et autres artistes. Voici nos meilleurs moments :
Barrio El Puerto
C’est le plus vieux quartier de Valpo et ça se voit ! Certains buildings datant de l’époque coloniale sont totalement abandonnés, d’autres n’ont plus que leurs 4 murs aux couleurs fatiguées, laissant un support de choix pour les aficionados du street art très répandu dans toute la ville.
Sur la Plaza Matriz, on découvre l’iglesia du même nom qui a dû être reconstruite à 5 reprises depuis la première chapelle de 1559. On a voulu s’aventurer derrière l’église pour grimper sur les hauteurs mais on s’est fait “rappeler à l’ordre“ à 2 reprises par des habitants du quartier. Voyant mon reflex à la main, ils nous suggéraient vivement de faire demi tour, nous racontant de terribles anecdotes pour finir de nous convaincre de revenir dans des rues plus sûres…
Sur la Plaza Sotomayor, je me dépêche de faire quelques clichés du remarquable Edificio de la Comandancia Naval avec ses façades bleues avant que la place ne soit envahie par une manifestation contre la réforme de l’éducation. L’ambiance est bon enfant, les mères défilent avec leur enfant sur les épaules et d’autres dansent en rythme au son des tambours et des trompettes.
Cerros Concepción et Alegre
Pour y arriver, on utilise l’Ascensor Concepción qui date de 1883 et n’a pas dû subir beaucoup d’amélioration depuis, si ce n’est qu’il fonctionne à l’électricité et plus à la vapeur !! La cabine en bois fait penser à un vieux sauna et on vit un grand moment lorsque le tout commence à s’ébranler pour nous emmener quelques dizaines de mètres plus haut !
La suite de la ballade est un bonheur pour tous les photographes en herbe. Les maisons traditionnelles du XIXe siècle avec leurs façades en bois et en tôles colorées dessinent à chaque ruelle un patchwork qu’on ne lasse pas de prendre en photos.
Dans ce quartier bohème et désormais ultra touristique, on retrouve des guesthouses et des hostales les uns à côtés des autres, ainsi que des boutiques d’art. A se demander s’il y encore de “vrais“ habitants…
Plus bas, on tombe sur l’étonnant Palacio Barburizza qui, outre le fait de renfermer le Museo de Bellos Artes, offre un panorama exceptionnel sur toute la ville. De là, on reprend un autre ascensor (El Peral), en tout Valpo en compte 15, tout aussi branlant les uns que les autres !
Cerro Bellavista
Un quartier résidentiel calme et tranquille où il fait bon déambuler dans les ruelles. C’est le cerrodes artistes avec notamment le Museo a Cielo Abierto, un musée à ciel ouvert donc, qui regroupe des peintures murales créés au début des années 70 par des étudiants et que l’on peut apprécier tout au long d’un petit circuit qui serpente entre les maisons.
C’est également sur cette colline qu’on visite La Sebastiana, l’une des demeures du poète Pablo Neruda. La maison sur 5 étages est tout à fait surprenante, à la fois très exiguë où mon mètre 90 a parfois du mal à se faufiler dans les couloirs et les escaliers mais avec un sentiment d’espace lorsqu’on découvre les larges fenêtres donnant sur la baie. La déco est tout à fait particulière et étudiée avec grand soin mais une fois de plus, les photos sont prohibées ; au prix de l’entrée, ce n’est pas très “sympa“ !
Museo Naval y Maritimo
Pas vraiment exceptionnel, ce musée a le mérite de nous faire comprendre que l’histoire de la ville est essentiellement liée à la mer. De l’arrivée des premiers pêcheurs aux victoires navales durant la guerre du Pacifique (1879-1884), on passe de salles en salles découvrant maquettes de bateaux, uniformes et portraits des amiraux chiliens qui ont su vaincre le Pérou et la Bolivie.
La ville portuaire était la première étape de nombreux marins, explorateurs et navigateurs après qu’ils aient contourné le Cap Horn. Valpo était un grand centre commercial et bancaire avant un déclin amorcé au début du XXe siècle après des séismes ravageurs et l’ouverture du canal de Panama.
Viña del Mar
Là, on quitte totalement l’atmosphère tellement spéciale de Valpo, on n’a d’ailleurs pas l’impression d’être au Chili mais plutôt sur la riviera italienne ou la Côte d’Azur. Les grands immeubles cossus ont remplacé les frêles bicoques colorées, les chaînes d’hôtellerie de luxe ont pignon sur rue et les 4×4 premium allemands s’impatientent dans les bouchons.
Sur la route de Viña del Mar, il y a d’abord l’impressionnant bâtiment de l’Universidad Tecnico Federico Santa Maria mais il y a surtout le marché aux poissons de Caleta Portales. Hormis le spectacle habituel des pêcheurs vendant à la criée leur pêche du jour sur des étales aux normes d’hygiène douteuses pour un Européen, la foule se masse sur le ponton en bois. A l’heure où l’on nettoie les stands, les lions de mer et les pélicans se battent pour les restes qui sont balancés, engendrant un chahut spectaculaire pour le plus grand plaisir des visiteurs !
Dans notre voyage, Valpofait partie de ces villes totalement uniques qui ont une atmosphère tout à fait particulière. En marchant dans la ville, que ce soit dans le vieux quartier du port ou sur les cerros plus “bobos“, on sent que cette ville possède un passé passionnant mêlant histoires de flibustiers, de commerce et de guerres navales. L’architecture témoigne de cette époque épique avec à la fois de somptueux bâtiments coloniaux et des bicoques à la limite de la salubrité mais qui accrochées à la colline avec leurs couleurs possèdent un charme singulier. Cette ville a envoûté de nombreux explorateurs et on comprend désormais pourquoi… elle aura eu raison de nous également !
Habitués à dormir dans un noir total, on n’a jamais fermé les rideaux durant les 5 nuits de notre séjour ! Quel spectacle de s’endormir avec cette ville illuminée et quel bonheur d’attendre chaque matin que le soleil se lève au-dessus des montagnes pour percer la brume marine, illuminant à tour de rôle chacune des 42 collines et leur patchwork de maisons.